Pas-à-pas du couteau de Moumoute!

Bonjour à tous!

Je suis déjà bien avancé sur ce projet alors c'est le temps de commencer à vous montrer ça! Malheureusement pour vous, comme on ne peut pas publier directement des vidéos dans les publications, vous ne verrez que des photos... c'est un peu moins intéressant que de voir travailler, mais ce sera ça!

Première étape, suite à nos discussions sur les besoins et désirs, je produit un dessin du couteau pour approbation!

 


Ensuite, je trace sur l'acier la forme du couteau que je coupe grossièrement avec un disque de coupe sur la meuleuse d'angle.

   



Une fois que c'est fait, je vais sur le backstand pour finaliser précisément les contours à leurs formes finales.

 


Ensuite, je fais à la lime le casse-goutte (sharpening choil) qui sert à faciliter l'affûtage du fil de la lame par la suite. 


 


Là, quand tout est ok, je peux poursuivre avec tout ce qui doit être fait avant de durcir l'acier comme les trous, le jimping (pour l'adhérence du pouce sur le dos de la lame) et le guillochage du dos de la lame quand souhaité.

 

Maintenant, les traitements thermiques:

Pour faire la trempe (procédé qui permet de durcir l'acier) du stainless, il faut d'abord envelopper et sceller les lame dans du papier stainless haute température. Les températures de trempe du stainless sont très hautes et sans la protection contre l'air, il se créerait une décarburation de l'acier à raison de 0,005" par heure. Sans carbone, l'acier ne serait pas en mesure de durcir correctement dans les parties décarburées.

Ensuite, je place les lames dans le four à 1500F pour 5 minutes afin de préchauffer l'acier et ensuite je monte à 1960F pour 15 minutes. Ça c'est ma recette pour l'AEB-L, mais ça varie d'un acier à l'autre.

Quand c'est fait, c'est le temps de faire une trempe à l'air entre 2 plaques sous serres ou encore comme je fais pour l'instant, avec du poids dessus et tu envoies de l'air avec le compresseur pour descendre rapidement la température de l'acier. Les plaques sous serres permettent de s'assurer que la lame ne va pas se déformer ou courber pendant le refroidissement.

Mamoutte a reçu des vidéos de l'étape de la trempe, mais pour vous voici quelques photos!

À cette étape-ci, l'acier est à son potentiel maximum de dureté... par contre il est fragile comme du verre!

Dans le prochain vidéo, je te montre comment je vérifie que la trempe a bien fonctionné. J'utilise des limes de différent HRC pour vérifier que mon acier est plus dur que les limes. Tu verras que ta lame est sortie à 65 HRC... c'est dur en titi!

Ensuite, je place les lames dans la glace au congélateur pour environs une heure. Cette étape sert à finir de convertir certains carbures et permet d'augmenter considérablement la résilience de l'acier sans diminuer sa dureté (austénitisation).

Pour de meilleurs résultats avec cette étape, on utilise la glace sèche avec du kérozen ou l'azote liquide pour descendre encore plus bas en température. Plus c'est froid, plus il y aura un grand % de conversion restante.

Après cette étape, je vais mettre les lames dans le four pour 2 cycles de 2 heures entre 300F et 400F selon la dureté finale que je souhaite. C'est ce qu'on appelle le revenu. Plus la température sera haute, plus l'acier baissera en dureté et gagnera en résilience. Dans le cas de ton couteau, vu son utilisation souhaitée, je vais faire les cycle à 350F ce qui donnera entre 61-62 HRC. Un bon compromis entre résilience et capacité à conserver sa coupe!

Voilà pour cette étape mon cher Martin! La prochaine sera de faire les grinds de la lame et ensuite fabriquer les plaquettes de manches selon ce que tu choisiras comme matériaux! 

J'enseigne le jujutsu ce soir et demain soir, donc je reprendrai le travail vendredi en revenant de travailler! Ton couteau ainsi que l'étui seront terminé dimanche soir, prêt à partir lundi! Ça s'en vient!

t es rendu vraiment spécialisé dans ce domaine , bravo 
et tres interessant ce pas-a-pas !

Wow, c’est rendu très professionnel ta passion.   Bravo ! 

Merci les gars! 

Mine de rien, j'y met environs 35 heures par semaine à ma petite compagnie! Avec le temps, mes couteaux ont développé une bonne réputation et je n'arrive pas à fournir à la demande! J'aimerais bien ne faire que ça à temps plein, mais je n'ai pas le courage de mettre en jeu la sécurité financière de ma petite tribu pour vivre de ma passion... il y a de magnifiques petites vies qui dépendent encore de moi

Pour en vivre, j'y arriverais assez bien, mais il me faudrait travailler davantage en mode production de modèles plutôt que faire des customs et là, je n'aurais plus le même intérêt... Alors pour l'instant, je continue à travailler sur le raffinement de ma technique et étudier, ça remplie déjà bien assez mon petit coeur

Super intéressant, jamais fait de trempe à l'air   et quelques questions qui me trotte en tête pour la partie refroidissement à l'air.
genre comment la ou les lames peuvent "refroidir" également si elle sont en serre entre deux plaques. ça m'intrigue

- l'acier après avoir reçu la trempe, le revenu et le polissage garde t'il les même propriétés inoxydable?  

Merci pour ton partage et ton pas a pas m'aide à mieux comprendre ta passion de fabriquer les "couteaux"

Salut Éphéfrere!

Je commence par ta deuxième question, oui, l'acier va conserver ses propriétés stainless suite aux traitements thermiques!

Pour la première...Les aciers carbone que l'on trempe à l'huile sont des aciers simples qui sont principalement composés d'atomes de fer et de carbone avec un très très petit % d'autres éléments comme le magnésium, le souffre, le silicium... ces aciers simples comptent principalement sur le carbone pour durcir et le refroidissement doit être très rapide (environs 15 secondes) pour que sa nouvelle structure cristallographique créé par la chauffe (austénitisation) se fixe en austénite.

Pour les aciers stainless (13% de chrome et plus!), l'alliage des éléments est différent et ce n'est plus seulement le carbone qui permet le durcissement. On y retrouvera entres autres comme éléments le chrome, le vanadium, molybdène, tungstène et ceux-ci n'ont pas besoin d'un refroidissement aussi rapide pour durcir comme le carbone. Le processus s'étend jusqu'à 5 minutes avant que le durcissement ne s'opère complètement. Le mettre entre des plaques d'aluminium permet 2 choses, l'absorption de la chaleur par l'aluminium dans la première minute aidé par l'air soufflé au compresseur entre les plaques et conserver la lame droite pendant le processus. Après avoir soufflé l'air une minute ou deux, on peut retirer d'entres les plaques et laisser refroidir le reste à température pièce! 

Certains aciers comme l'AEB-L que j'ai utilisé pour ce projet peuvent se tremper soit à l'air ou à l'huile comme la Park 50 qui est spécifiquement conçu pour la trempe. Quand j'ai fait mes tests de traitements thermiques en débutant le travail avec cet acier, mes éprouvettes trempées à l'huile sortaient de trempe entre 60-62 HRC (encore 3 HRC plus bas que le maximum potentiel de 65 HRC de l'AEB-L) avec un grain lorsque je brisais l'éprouvette beaucoup plus inégale... un mélange de grains grossiers et plus fins. À l'air, toujours à 65 avec un grain plus fin et homogène, ce qui est recherché! Donc refroidir plus vite le stainless est moins optimal!

En souhaitant que ça réponde convenablement à ta question! N'hésites pas si tu en a d'autres!

un régal à suivre, merci

Bon, je profite du temps de séchage de l'époxy pour les plaquettes de manche pour ouvrir une petite frette et  vous montrer la suite du travail sur le couteau de Martin!Donc ce matin, j'ai commencé par faire le meulage de la lame sur le backstand pour créer l'émouture de la lame ainsi que le swedge (faux-tranchant sur le dessus). Pour son couteau, j'ai choisi de faire une mouture "full flat grind" qui consiste à meuler l'émouture complètement jusqu'en haut de la lame. Comme Martin veut ce couteau principalement pour la chasse, je voulais en faire un excellent "slicer" et ce type d'émouture forme une meilleure géométrie de lame. Plus je le monte haut, plus mon triangle formé sur la lame sera aigüe permettant ainsi moins de résistance sur la coupe. Regardez vos couteaux de cuisine, c'est toujours ce type d'émouture!    Une fois que j'ai fait la finition de la lame, je traite la lame à l'acide (chlorure ferrique) pour créer une patine forcé sur l'acier et lui faire perdre son brillant. Il est important de nettoyer avec de l'acétone avant de mettre dans l'acide pour enlever tout le gras de doigts et la poussière, sinon le résultat ne sera pas uniforme. Quand je la sort de l'acide, je vais ensuite la mettre dans un tube (commandité par Pringle's!) avec 3-4 poignées de beads de résine que l'on utilise dans un Tumblr normalement. Des petites pierres de rivière font la même chose. Et là, je shake le tube quelques minutes pour créer l'effet stonewash sur la lame. Là, désolé, ça manque de photo pour ce bout là, j'étais concentré sur l'ouvrage et j'ai oublié!  Une fois fait, j'ai fini avec la lame et je prépare les plaquettes! Pour celui-ci, j'ai choisi des pièces d'érable coti stabilisé au jus de cactus avec un liner en G-10 rouge! Donc je colle mes plaquettes découpées grossièrement sur le g-10, ensuite je découpe le surplus.       

Ensuite, je tape ma lame pour la protéger pour la suite du travail. Avant de faire mes trous pour les scales, je dois d'abord les joindre ensemble et finir complètement le bout de celles-ci pour ne plus avoir à les sabler une fois installer sur la lame. Ça évite de risquer d'érafler la lame au sablage! Quand c'est fait, je choisi l'emplacement finale des scales, valide qu'elles arrivent bien égales dans le haut et je les fixe sur la lame avec une serre pour couper le tape exactement à l'emplacement qu'iront les scales. Ainsi, j'ai maintenant un repère fiable pour la suite du travail quand je vais à maintes reprises remettre et enlever les scales pour faire les trous précisément. 



Je fais ensuite tous mes trous.

   

Quand les trous sont fait, je replace mes scales ensemble et je corrige le cas échéant le bout des 2 scales si jamais j'ai un tantinet bougé lors du perçage... je ne veux pas me rendre compte que mes scales ne finissent pas égales une fois collé...! 



Ensuite avec une lime à diamants (c'est la seule chose qui lime de l'acier trempé ) j'agrandi un peu les trous de l'acier pour me donner de la marge de manoeuvre quand je vais mettre les rivets d'un bord à l'autre. Je dois aussi avec une lime ronde faire la même chose pour mes trous dans le bois... une mèche 1/4 et un rivet 1/4 n'ont malheureusement pas le même 1/4...! C'est un bout délicat, car il ne faut pas déformer le trou et laisser de l'espace autour du rivet, c'est laid et mal fini sinon! 




Avant le collage, je fais plein de petits trous sous la scale pour que ça me fasse plein de petits rivets interne d'époxy. Comme ça, mes scales seront encore plus fortement fixées sur la soie de la lame! Je nettoie une dernière fois les scales et la soie à l'acétone pour enlever le gras et la poussière avant le collage! 

 

Maintenant prêt à coller, j'utilise de la colle époxy, j'installe mes rivets mosaïques, les aligne pour que le motif de ceux-ci soit symétrique et je met sous serres!

Une fois sous serres, il y a une étape importante à faire maintenant pour éviter de sacrer quand la colle sera sèche pour finir le bout du manche. J'enlève tout de suite le surplus de colle à l'avant et je nettoie complètement avec de l'acétone et un coton-tige pour ne pas avoir à y revenir plus tard... et une fois durcie, enlever ça sans risquer de toucher la lame est quasi impossible... j'ai ragé souvent avant d'allumer que je pouvais le faire à cette étape-ci!

Voilà pour l'instant, il ne me reste plus qu'à façonner le manche!

Ton pas-a-pas est très intéressant.

Merci Jack pour ce pas-a-pas plus que complet... tu fais très bien ça !