Le talent

Et j’en suis venu à me poser la question suivante : qu'est-ce qui motive tous ces amateurs et professionnels à prodiguer leur expertise et le fruit de leurs recherches? Qu’est-ce qui les attache à ce forum? D’aucun pourraient bien se contenter de faire leur petite affaire, et ne pas s’emmerder à divulguer leur secret acquis au prix de sueurs comparables aux chutes Niagara, de blessures corporelles douloureuses, et de litanies de vases sacrés. Ils n’auraient pas besoin de passer de longues minutes, voire des heures, à décrire comment ils en sont parvenus à un résultat satisfaisant, après plusieurs échecs souvent. Mais ils le font tout de même. Est-ce parce qu’à travers tout l’art des passionnés, émerge le besoin débonnaire de retransmettre la joie d’avoir acquis une partie de la connaissance universelle? Ou est-ce simplement que tout le monde ici a le sens du partage? Je dois dire que mon questionnement vient du fait que j’ai dû m’avouer dernièrement que je n’avais pas beaucoup de talents de bricoleur. Une diseuse de bonne aventure avait lu dans ma carte du ciel qu’il y avait une sorte d’incompatibilité entre le travail manuel et mes capacités, et que tout était toujours difficile pour moi. J’en tombais en bas de ma chaise d’entendre de pareilles élucubrations. Après tout, je fabriquais déjà mes jouets à l’âge de six ans, et depuis, j’avais rénové entièrement deux maisons, monté plusieurs chalets et de grands bâtiments , fabriqué pratiquement tous mes meubles, réinventé des machines complexes, travaillé le bois, la pierre, le métal; je m’étais aussi adonné à faire de l’électricité, de la mécanique, de la plomberie, de la sylviculture, du jardinage, etc… Tout à fait entre nous, j’avais envoyé promener la bonne femme « des astres ». Puis j’ai repensé à mes expériences passées… Il est pourtant vrai que j’ai souvent eu à me débattre avec de nombreuses complications dès que j’entamais une simple tâche manuelle : Je veux creuser un trou, la pelle me casse dans les mains, je veux réparer la pelle, c’est la perceuse dont j’ai besoin pour enlever le morceau de bois coincé dans le fuseau de la pelle qui a le fil d’alimentation coupé. J’en prends une à pile, la pile est à plat, bien sûr. J’en trouve une qui fonctionne, la mèche que je choisis est émoussée. Je veux l’aiguiser, la machine à aiguiser les mèches a l’interrupteur qui fait des flammèches. Finalement, je prends plus de temps à m’organiser, à réparer des affaires pour pouvoir démarrer la job qu’à faire le travail lui-même. Et je ne vous parle pas de la grosse pierre qui va finalement m’empêcher de faire ledit trou de façon simple et normale. Non, il va falloir que je creuse un trou dix fois plus grand que le besoin, pour pouvoir sortir la foutue grosse roche. Et, ce faisant, il va se mettre à pleuvoir des clous, la vase va remplir le trou, et mon moral va finir comme le temps qu’il fait: en dépression… À mon grand dam, quand j’y repense, la madame au turban avait raison quand elle disait que rien n’est facile en spécifiant « dans mon cas ». C’est mon karma… Je suis poigné avec. Mais, il y a un petit détail qui me sauve; je suis acharné comme une fourmi après sa brindille! Et c’est ça qui fait que, sans beaucoup de talent, je peux arriver à faire ce que je veux manuellement. C’est plus long, ça fait souvent mal, mais j’y arrive. Et savez-vous quoi? Malgré tout, j’aime ça. J’aime contempler le travail fini, d’autant plus que je suis le seul à connaître tous les déboires que l’ouvrage a occasionnés. Et j’en conclus que je ne pourrais peut-être pas si je n’avais pas derrière moi tous ceux qui participent à ce forum. Vous êtes une race à part, les aidants de la bricole. Et je vous en remercie. On a besoin de vos lumières, les pareils à moi. Je me demande où je prenais mes mentors avant de connaître La Mortaise. Mon acharnement pour apprendre, pour expérimenter et pour finalement atteindre mon but, n’a pas de limite, mais il a besoin d’être épaulé, même si je continuerai de dire à ma blonde, quand je viens juste de m’écrapoutir l’index avec le marteau, pendant que la tablette que je solidifiais me tombe sur la tête avec les pots de peinture qui étaient dessus : « Y’en aura pas de facile ! »

Toxedo_2000

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