Réparation d’un bâtiment ancien : partie 1

Bonjour les mortaiseux,

J’ai débuté en mai 2010 un projet passionnant, mais inhabituel : la restauration d’une laiterie. C’est un petit bâtiment ancien qui servait autrefois à la production et à la conservation du lait et du beurre. Le bâtiment, de 9 pieds par 9 pieds, est en pièce sur pièce (poutres de bois équarries à la hache et empilées l’une par dessus l’autre) avec assemblage à queue d’aronde aux extrémités.

À mon avis, il est important de conserver et de sauvegarder ces beaux bâtiments pour la mémoire et l’histoire qu’ils nous racontent. De plus, on apprend énormément du travail de nos ancêtres menuisiers. On peut ensuite mettre ces connaissances en pratique dans nos autres projets de travail du bois. Outre la réalisation d’une descente de cave, c’était mon premier grand projet.

La laiterie date d’un bon 125 ans si ce n’est pas plus. Elle était en fort mauvais état (photos 1 et 2).

Photo 1

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Photo 2

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Le mauvais entretien et le fait d’être déposée sur le sol ont accentué sa dégradation : pourriture de la toiture, du pièce sur pièce près du sol, du parement extérieur, de la porte et même quelques planches du parement intérieur. L’objectif : la sauvegarder. Aidé de ma conjointe et de mon père, nous avons numéroté tout ce qui était sain ou réparable en fixant une petite plaque métallique sur chaque pièce de bois (photo 3), puis nous avons tout démonté (photos 4 à 6). Nous avons aussi fait un plan afin d’illustrer la place de chaque pièce de bois. Ce qui était irréparable, nous l’avons refait à l’identique.


Photo 3

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Photo 4

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Photo 5



Photo 6




Dans le but que le bâtiment tienne un autre 125 à 150 ans (enfin je le souhaite!) nous avons d’abord recueilli des renseignements de toutes sortes, par observation de bâtiments similaires, en questionnant des vieux menuisiers et des propriétaires possédant de tels bâtiments et en consultant des livres. Puis :

1) Le sol a été creusé de 10-12 pouces, puis rempli de poussière de pierre compacté. Ensuite, des blocs taillés en pierre ont été déposés de façon à ce que la laiterie puisse être dégagée du sol. Ces pierres ont été placées de façon à ce qu’il y ait un espace d’environ ½ pouce entre elles. Nous n’avons pas comblé cet espace afin que l’air puisse circuler sous le plancher de la laiterie. Pour éviter que la vermine ne vienne s’y installer, nous avons grillagé par l’intérieur.

2) J’ai remplacé les pièces de bois trop pourries avec des poutres provenant d’une grange en démolition. Il a fallu retailler des queues d’aronde aux extrémités. Malheureusement, les poutres d’origine de départ (celles qui reposaient sur le sol) étaient si abîmées que je n’ai pas pu faire aucune copie. Je taillais partiellement les queues d’une poutre de remplacement, puis je vérifiais avec les poutres qui s’assemblaient avec celle-ci pour voir si ça s’emboîtait bien (photo 7). Si ce n’était pas le cas, je poursuivais le taillage des queues de ma poutre de remplacement jusqu’à ce que l’agencement des queues d’aronde soit adéquat.

Photo 7




3) Pour les pièces réparables, j’enlevais ce qui n’était plus bon. Avec une colle pour l’extérieur, je fixais une pièce de bois sain pour combler le trou (photo 8). Tout le travail de menuiserie a été réalisé avec des outils manuels (par plaisir et de toute façon pas le choix. Selon moi, impossible de tailler de telles queues d’aronde avec un outil électrique. Impossible aussi de tracer une ligne droite avec une scie circulaire dans une poutre équarrie à la hache).

Photo 8




4) Début du remontage (photo 9). Les deux poteaux, d’origine, délimitent la position de la porte. Un tenon est présent à chaque extrémité du poteau. Chaque tenon s’insère dans une mortaise, l’un dans la pièce du bas, l’autre dans la pièce du haut. Chaque poteau a aussi une grande rainure de creusé sur un côté qui permet l’assemblage avec le pièce sur pièce. Méthode de construction typiquement française.

Photo 9




5) Le pontage de la toiture a été refait avec de belles vieilles planches provenant de la grange en démolition (photo 10). Leur largeur : entre 11 et 15 pouces.

Photo 10




6) Pour assurer la longévité de l’ensemble de la toiture et parce que ce sont des éléments non apparents, des matériaux modernes ont été utilisés : pose d’une membrane élastomère sur la planche de pontage sur le premier 24 pouces, puis pose d’un treillis noir rigide en plastique de 1/8 pouce d’épais, appelé « hypernet »,qui permet à l’air de circuler sous les bardeaux de cèdre (photo 11) et qui a l’avantage de ne pas gonfler la toiture.

Photo 11




7) Pose de bardeaux de cèdre de l’Ouest au marteau (oui, oui) par ma conjointe (oui, oui). Chaque bardeau de cèdre a été chanfreiné à son extrémité. La toiture précédente était comme ça. Pour fermer le faîte du toit, un solin métallique a été posé, caché par deux planches de cèdre, une sur chaque versant (Photo 12). Ces travaux furent réalisés jusqu’à la fin novembre 2010. Pour la protéger des intempéries, nous avons enveloppé le pièce sur pièce d’une bâche, en guise de parement (photo 13).

Je vous reviendrai plus tard cet automne avec la suite des travaux réalisés en 2011, si ça vous intéresse bien sûr.

Photo 12




Photo 13

Salut!

Très beau et valorisant projet.

Bravo pour l'effort de restauration et quelle école de métier et d'apprentissage.

Bravo encore
Alain

Il est important que des gens s'intéresse au passé, et qu'ils travaillent pour en sauver la mémoire
Bravo!

Frerepat

très beau travail riflard merci d'avoir pris le temps de faire ce pas a pas très instructif et aussi très enrichissant pour le site.

Salutations hopi.

Super, ça prend des personnes comme vous pour conserver notre patrimoine bâti qui bien trop souvent est détruit ou malmené par les propriétaires ou municipalités. J'imagine que vous connaissez l'émission télé " Passion Maison " (canal Historia). A l'été j'ai acheté une maison plus que centenaire, les rénovations sont à venir, vous et d'autres (vus dans les émissions Passion Maison) nous donnez le courage de bien faire.

Il y as plusieurs années, j'avais récupérer une cabane à sucre du même genre.
Ce fut pour moi une belle expérience de restauration. Malheureusement, un naufrage(!) conjugale as fait que je n'ai pu la conserver et aucune photo en souvenir en plus. Je sais qu'elle as été re-démonter et elle serais maintenant sur le chemin qui mène à St-Achillé au nord de Chateau Richer.

J'admire de genre de travail: patience, recherche, minutie, respect du passé et conservation de l'histoire. Bravo, Toutes mes félicitations et merci pour les infos.

Bravo

Une belle restauration. Continu de nous montrer des photos.

bordelo écrit: Il y as plusieurs années, j'avais récupérer une cabane à sucre du même genre.
Ce fut pour moi une belle expérience de restauration. Malheureusement, un naufrage(!) conjugale as fait que je n'ai pu la conserver et aucune photo en souvenir en plus. Je sais qu'elle as été re-démonter et elle serais maintenant sur le chemin qui mène à St-Achillé au nord de Chateau Richer.

je n'osais pas m'aventurer sur le sujet mais là naufrage congugale c'est dans mes cordes j'ai voila bien des années rénové une vielle maison environ cents ans que de plaisir à découvrir je vais essayer d'avoir des photos si le bateau n'est pas coulé au fond .Hopi tu peut la voir elle est dans de village de st eugène pas loin de chez toi

bordelo écrit: Il y as plusieurs années, j'avais récupérer une cabane à sucre du même genre.
Ce fut pour moi une belle expérience de restauration. Malheureusement, un naufrage(!) conjugale as fait que je n'ai pu la conserver et aucune photo en souvenir en plus. Je sais qu'elle as été re-démonter et elle serais maintenant sur le chemin qui mène à St-Achillé au nord de Chateau Richer.

J'ai parcouru ce rang de long en large quand je cherchais une maison. Elle n'est pas maintenant peinte en vert cette cabane, ou à côté d'une maison peinte en vert?

Oui, Rpoulin, nous connaissons l’émission de Passion maisons. Nous sommes des assidus depuis la première émission. Qui sait, vous nous verrez peut-être bientôt sur votre écran, mais il faut que je réussisse à convaincre ma conjointe pas très chaude à passer à la TV. Elle trouve que notre vieille maison n’est pas encore présentable. Et elle a raison.

C’est vrai qu’il faut être passionné, mais il faut aussi être patient et surtout se donner du temps. Il y a d’ailleurs une phrase d’un texte que François Bourque, journaliste au journal Le Soleil a écrit et que j’adore : « En ces temps où le temps se bouscule, il savait prendre le temps qu’il faut ». Avec la vie d’aujourd’hui qui file à une vitesse folle, on dirait qu’il faut qu’un projet comme celui que je vous ai présenté puisse se faire en deux temps trois mouvements. On ne prend pas le temps de ramasser des informations et c’est souvent là qu’on fait des erreurs. Erreurs réversibles qui nous coûtent temps et argent, erreurs irréversibles qui détruit à jamais le meuble ancien, la belle d’autrefois.

À titre d’exemple, ça fait 5 ans et demi que nous demeurons dans notre vieille maison. Aucune restauration n’a été faite à l’intérieur. Depuis ce temps, on réfléchit (mais pour vous rassurer, sur certaines pièces, la réflexion est terminée. Il ne reste qu’à passer à l’action). On a la chance de faire partie d’un regroupement de propriétaires de vieilles maisons. On discute avec des membres, on visite leur maison, on parle de nos projets respectifs, de nos problèmes rencontrés, et comme la Mortaise, on reçoit énormément des membres qui nous donnent des infos pertinentes, qui nous font voir d’autres aspects auxquels nous n’avions même pas pensé. Des sites comme la Mortaise, c’est riche.

Vous nous ferez signe quand ça arrivera

Pour revenir à la laiterie, vous savez que celles en bois sont relativement rares au Québec. Celles qui sont encore debout sont surtout en pierres - une dizaine pas plus à ce qu'on dit entre Montréal et Rimouski.Vous avez donc un bâtiment qui mérite d'être montré.

A.G-Lajoie écrivait dans la revue Foyer Canadien (1864).. " La laiterie (...) était un petit bâtiment en pierre assez spacieux, ombragé de toute parts par le feuillage des arbres et entièrement couvert des rayons du soleil. L'intérieur était parfaitement frais quoique suffisamment aéré. Je fus frappé en y entrant, de l'air de propreté qui y régnait. Le plancher de bois, les tablettes sur lesquelles étaient disposées des centaines de terrines replies d'un lait crémeux, tout, jusqu'à l'extérieur des tinettes pleines de beurre, offrait à l'oeil cette teinte jaune de bois sur lequel vient de passer la main de la blanchisseuse. Grâce à la fraîcheur de l'appartement on n'y voit ni mouche, ni insecte d'aucune espèce"

Belle prose, et faut croire que la 'blanchisseuse' était l'épouse du propriétaire de la laiterie

rpoulin écrit:

bordelo écrit: Il y as plusieurs années, j'avais récupérer une cabane à sucre du même genre.
Ce fut pour moi une belle expérience de restauration. Malheureusement, un naufrage(!) conjugale as fait que je n'ai pu la conserver et aucune photo en souvenir en plus. Je sais qu'elle as été re-démonter et elle serais maintenant sur le chemin qui mène à St-Achillé au nord de Chateau Richer.

J'ai parcouru ce rang de long en large quand je cherchais une maison. Elle n'est pas maintenant peinte en vert cette cabane, ou à côté d'une maison peinte en vert?

J'en ai absolument aucune idée!!! Ça dois faire dans les 15 à 17 ans que je ne suis pas monter dans ce coin. Tout ce que je peux dire c'est qu'elle étais à droite en allant vers le nord.

Superbe travail! Nous avons une passion en commun!

J'ai hâte de voir la partie 2 de ce projet de restauration!

Ancestral

rpoulin écrit: Pour revenir à la laiterie, vous savez que celles en bois sont relativement rares au Québec. Celles qui sont encore debout sont surtout en pierres - une dizaine pas plus à ce qu'on dit entre Montréal et Rimouski.Vous avez donc un bâtiment qui mérite d'être montré.

En fait, des laiteries en pierre, il y en a plus qu’on pense, malgré que ça demeure rare à mon avis. On ne les soupçonne pas, mais on les trouve parfois accoté sur la maison de pierre, sur le mur nord-est ou à l’arrière. Ci-joint une photo d’une maison avec sa laiterie. Le petit bâtiment avec un toit en appentis est la laiterie, située à l’arrière de la maison.





Je n’ai jamais vu de laiteries en pierre qui soit un bâtiment en soi. Par contre, des laiteries en pièce sur pièce, j’en ai vu à plusieurs reprises. Juste dans mon village à St-Lambert-de-Lauzon, j’en compte au moins trois, dont la mienne. Sur le chemin menant au village voisin, il y en a une visible de la route. Comme ce sont de petits bâtiments tout en bois, elle se déplace facilement. C’est possiblement pour ça qu’on en aperçoit peu. Les gens ont pu les relocaliser ailleurs sur leur terrain. Mais ça reste un petit bâtiment qu’on ne voit pas souvent. Sa petitesse fait en sorte qu’elle peut difficilement servir comme cabanon pour tout remiser. J’ai une brouette que je ne suis pas capable d’entrer dans ma laiterie, car la porte est trop étroite. Quant à ma tondeuse, elle passe tout juste.

Par ailleurs, merci pour le petit texte de A.G. Lavoie. Je ne connaissais pas du tout. Et je suis d'accord avec vous. Le propriétaire devait marié avec cette madame Blancheville dite La Blanchisseuse.